Today, Time Is Close

So Far, So Close, Galerie Esther Woerdehoff, Paris, 2024

©Jehan de Bujadoux

Julien Mignot entamme ses recherches sur la question fondamentale de la limite en 2017. La série Today, Time is Close dissèque un corpus de miliers de photographies verticales de l’horizon prisent en avion. A cette altitude de croisière, il est impossible de déterminer à quel endroit se perd le regard. Est-ce la fin de la terre ? Est-ce le début de l’espace ? Peut-on décider arbitrairement de cette frontière sans s’appuyer sur une ralité matérielle ou chromatique ? En réalisant deux tirages horizontaux d’une même image verticale, puis en choissisant volontairement l’endoit de leur jonction, Julien Mignot choisi d’affirmer son propre point de vue affranchi de tout signe extérieur. Cette assemblage en forme de lèvre, sorte de distortion spatio-temporelle, fait jaillir la photographie dans une troisième dimension que le cadre contenait seul jusqu’alors.

La photographie peut-elle faire mieux que la peinture ? La différence, après tout, c'est que le photographe ne peint pas avec des couleurs mais avec la lumière elle-même. Serait-il possible de capturer cette lumière de manière à ce que, comme dans le ciel, elle ne soit pas liée à une surface mais imprègne un volume entier ? Dans une section de son ouvrage Modern Painters de 1843, intitulée « De la vérité des ciels », le critique John Ruskin dit ceci du ciel : « Ce n'est pas une couleur plate et morte, mais un corps profond, frémissant et transparent d'air pénétrable, dans lequel vous tracez ou imaginez de courtes taches tombantes de lumière trompeuse, et de faibles ombres, des vestiges faiblement voilés de vapeur sombre ». N'est-ce pas précisément cette « transparence tremblante », comme l'appelle Ruskin, que nous révèle l'application de la technique Fresson, dans ces photographies de Julien Mignot ? La technique donne aux tirages un glacis qui semble les décoller de la surface. Il n'y a pas de meilleure preuve que le ciel n'est pas un vide qui attend d'être rempli, mais la plénitude elle-même, dans toutes ses variations infinies.

Tim Ingold, Avril 2023